Le projet de loi sur le séparatisme voté en première lecture à l’Assemblée – Décryptage

Le projet de loi sur le séparatisme vient d’être adopté ce mardi 16 février en première lecture à l’Assemblée Nationale. 347 députés ont voté pour, 151 contre, et 65 se sont abstenus.

Une partie de la gauche estime que ce texte vise les musulmans plutôt que l’islam radical et qu’il est discriminatoire ; c’est également le sentiment partagé par de nombreux musulmans en France.

Alors voyons quelles sont les grandes lignes de cette loi et les prochaines étapes pour qu’elle soit adoptée définitivement.

Comment est votée une loi en France ?

Maintenant que ce projet a été adopté en première lecture à l’Assemblée Nationale, il sera examiné par le Sénat à partir du 30 mars.

Ensuite les sénateurs pourront proposer de réviser certains points de la loi et le texte fera la navette entre les deux Assemblées (Nationale et Sénat) pour que les articles modifiés soient étudiés. Si le projet de loi n’est pas voté dans les mêmes termes, le gouvernement peut convoquer une « commission mixte paritaire » avec plusieurs députés et sénateurs qui devront proposer un texte commun à voter.

S’ils ne parviennent pas à écrire un texte commun, le gouvernement donnera l’ascendant à l’Assemblée nationale qui a un surcroit de légitimité dû à son élection au suffrage universel direct. Ensuite la loi sera promulguée par le président de la République.

Qu’est-ce qui va changer concrètement ?

Ce projet de loi contient plusieurs articles qui sont parfois assez ambigus ou peuvent également ouvrir la voie à des discriminations graves et entraver nos libertés. Citons en exemple quelques objectifs tirés de ces articles :

    • Mettre fin aux discours de haine dans les lieux de culte. Les préfets auront le pouvoir de fermer des mosquées pendant une durée de 2 mois s’ils jugent que le contenu des sermons incite à la haine ou à la violence.

 

    • L’Etat augmentera le contrôle des finances des mosquées, et particulièrement si elles reçoivent de l’argent de l’étranger. Les dons de l’étranger devront être déclarés s’ils dépassent 10.000 €.

 

    • Les associations seront-elles aussi plus contrôlées. Elles devront signer un contrat d’engagement républicain, notamment si elles veulent être éligibles aux subventions d’Etat.

 

    • L’instruction/école à domicile sera extrêmement limitée et devra recevoir une autorisation explicite des pouvoirs publics qui enquêteront pour savoir s’il n’y a pas de volonté de séparatisme, alors qu’auparavant il suffisait de faire une simple déclaration. Elle sera aussi soumise à des contrôles renforcés.

 

    • L’obligation de « neutralité » sera étendue aux employés des entreprises du secteur privé qui exercent des missions pour le compte du service public. Le port de signes religieux ostentatoires, dont le voile, sera interdit. Il faut savoir que chaque année de plus en plus de missions sont délégués au secteur privé par l’Etat.

Il est à noter que le sénateur Bruno Retailleau, chef de file de la droite majoritaire, compte supprimer l’article sur l’instruction à domicile, ce qui est positif pour nos libertés, mais compte cependant introduire par ailleurs l’interdiction du voile dans les lieux publics.

Ce qui est certain est que ce projet de loi qui « conforterait les principes de la république » est au contraire vécu par la communauté musulmane comme une trahison de ses principes les plus fondamentaux : la liberté et l’égalité.

C’est dans ce contexte que 200 personnes ont manifesté dimanche dernier à Paris pour protester contre ce projet de loi qui renforce les clivages et exclu à un moment clé de notre histoire, alors que le monde fait face à une crise économique grave, et où au contraire il faudrait favoriser la tolérance et une vision collective qui incluraient toutes les composantes de la société dans leur diversité et leur richesse.

Ce projet de loi divise la classe politique et le peuple français. Au sein de la communauté musulmane il inquiète au point que certaines associations et croyants envisagent de quitter la France.

 

Source : https://www.ajib.fr/